Cécile de Rome
Vers 200 Rome – vers 225 Rome.
La patronne des musiciens et des luthiers
Celle que nous appelons sainte Cécile est une jeune fille issue de la famille patricienne des Caecilii vivant à Rome au début IIe siècle. Le récit de sa vie, tel qu’il est connu aujourd’hui, provient de La Légende dorée écrite vers 1260 par le dominicain Jacques de Voragine, lui-même s’étant inspiré de textes relatant la vie exemplaire des premiers chrétiens.
Cécile serait donc une jeune chrétienne, mariée de force au noble Valérien qu’elle convertit au christianisme dès le soir de leurs noces. Valérien, baptisé par le pape Urbain 1er, évangélise son frère Tiburce. Les deux nouveaux chrétiens, très actifs, sont bientôt arrêtés. Malgré les pesantes menaces, Cécile continue d’enseigner sa foi. Traduite en justice à son tour et refusant d’abjurer, elle est condamnée à être ébouillantée. Mais les vapeurs brûlantes ne semblent pas l’atteindre, pas plus que les coups de hache du bourreau qui tente de la décapiter. Dans la cathédrale d’Albi, une statue du XIXe siècle représentant la suppliciée expose au visiteur sa nuque entaillée par la lame. De son côté, la légende précise que sainte Cécilesouffre son martyre pendant trois jours sans cesser de chanter les louanges de Dieu. Cet héroïsme en fera la patronne du chant sacré, des musiciens et des fabricants d’instruments de musique.
Avant de mourir, la jeune chrétienne a légué sa maison au pape Urbain 1er qui y bâtit une première église. Le culte de sainte Cécilese développe en Italie ; il est sans doute introduit en Gaule narbonnaise par les Wisigoths dès les années 400. À la cathédrale d’Albi, le vocable de Sainte-Cécile n’est mentionné qu’en 920, mais rien n’empêche de penser qu’il fut plus précoce. Des reliques de la sainte y sont attestées dès 1130, à une époque où les restes saints font l’objet d’un commerce intense et d’une grande vénération. En 1468, d’autres reliques de sainte Cécile—un humérus et un morceau de mâchoire inférieure— sont offertes au cardinal d’Albi Jean Jouffroy par le pape Paul II. Chaque année, le reliquaire qui les abrite est porté en procession après une messe solennelle, le dimanche le plus proche du 22 novembre, jour de la Sainte-Cécile.
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Azalaïs de Toulouse
Vers 1155 Toulouse –1200 Burlats.
La dame de Burlats
Fille du comte Raymond V de Toulouse et de la princesse Constance de France, Azalaïs (Adelaïde) naît au cœur de ce beau XIIe siècle où les comtes de Toulouse étendent leurs possessions entre la Provence et l’Aquitaine. En Occitanie, l’époque est marquée par l’influence des troubadours et par l’essor du catharisme, un christianisme différent dénonçant la violence et les richesses de l’Église.
Azalaïs grandit sans doute à Toulouse. En 1165, elle accompagne sa mère —maltraitée par Raymond V— qui s’éloigne de la cour pour résider à Burlats, près de Castres, dans une belle maison-forte appartenant aux Trencavel. Ces puissants vicomtes d’Albi possèdent aussi Carcassonne et Béziers ; ils sont à la fois les voisins et les rivaux des comtes de Toulouse. En 1171, afin de conclure une alliance forte et durable avec eux, Raymond V donne Azalaïs en mariage à Roger II Trencavel.
Le couple doit faire face à quelques divergences: Azalaïs a été éduquée dans le respect de l’Église tandis que Roger a de nombreux amis parmi les seigneurs et chevaliers cathares. Est-ce pour cette raison qu’Azalais fait de longs séjours dans sa maison-forte de Burlats ? N’imaginons pas pour autant une vie inactive et recluse. C’est elle qui reçoit à Castres une délégation du roi de France exigeant de son mari la répression de l’hérésie cathare. C’est elle encore qui accueille à Lavaur en 1181 un légat du pape venu pour les mêmes raisons. Toutefois, en 1194, à la mort de son époux, elle accepte pour leur jeune fils Raymond Roger la tutelle de Bertrand de Saissac, seigneur cathare.
Au lieu de retenir son rôle de médiatrice dans cette époque troublée, les récits des siècles passés ont plutôt décrit une femme emportée par son cœur et ses désirs. Il est vrai que le troubadour Arnaud de Mareuil a dédié ses chants d’amour à la haute dame qu’elle était. Le roi Alphonse II d’Aragon, qui attirait à lui de nombreux troubadours, en aurait été jaloux… De là à broder une intrigue amoureuse entre le roi et la vicomtesse, le pas est vite franchi.
L’histoire reste silencieuse et seule l’imagination entre dans la danse…
Revenons aux derniers faits. Azalaïs meurt en 1200. Elle est enterrée auprès de son mari, dans l’abbaye romane de Cassan près de Béziers.
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Marie-Anne de Hohenzollern
1614 Hechingen – 1670 Albi.
Une princesse allemande en Albigeois
Marie-Anne est une des 6 filles (parmi 15 enfants) du prince Jean-Georges de Hohenzollern-Hechingen, branche catholique de l’illustre famille impériale allemande. Extrêmement belle, assurent tous ses témoins, Marie-Anne a tout juste 15 ans en 1630 lorsqu’elle épouse le comte Ernest d’Isenbourg, âgé de 60 ans et veuf depuis peu.
Ce mariage, on s’en doute, n’est pas un conte de fées. Ce que nous savons de la vie rocambolesque qui attend Marie-Anne provient de deux sources : une Historiette de Tallemant des Réaux, chroniqueur bien informé du XVIIe siècle, et le roman intitulé La comtesse d’Isembourg d’Antoinette Salvan de Saliès qui fut à Albi l’amie de Marie-Anne.
Vite lassé de son épouse, le comte Ernest se montre de plus en plus brutal et Marie- Anne cherche appui auprès de ses pages, les frères Massauve, d’origine française. L’aîné des deux, affirme Tallemant des Réaux, serait déjà son amant… Le vieux comte en prend ombrage. Voulant échapper à sa jalousie, la princesse part pour Cologne et, de là, tente de gagner la France.
La fuite se complique, des soldats s’en mêlent, le jeune frère Massauve meurt héroï- quement. La princesse réussit à atteindre Paris où l’aîné des Massauve prend le nom de Mesplets et la fait passer pour sa sœur. Elle parle bien français et vend une à une ses pierres précieuses afin de maintenir un modeste train de vie. Mais l’affaire fait scandale, le comte d’Isenbourg presse le roi Louis XIII de lancer des recherches. Les fuyards décident d’aller se cacher en Languedoc où ils achètent près d’Albi, à Saussenac, le petit manoir de La Longagne. La princesse n’y est pas heureuse. Massauve la tourmente, tantôt brutal tantôt soumis, dépensant au jeu l’argent qui s’amenuise.
Éperdue, Marie-Anne se rend à Albi pour y rencontrer l’évêque Gaspard de Daillon du Lude. Il est saisi par sa beauté, elle le supplie de la protéger. Il lui accorde une pension et l’invite à se réfugier au couvent des Visitandines (actuelle caserne Teyssier), créé depuis peu. Elle y entre comme novice en 1641 et attend la mort de son mari en 1664 pour faire sa profession de foi. Dès 1669, sous le nom de « Mère de Hohenzollern », elle devient supérieure du couvent. Elle meurt paisiblement un an plus tard.
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Antoinette de Salvan de Saliès
1639 Albi – 1730 Albi.
Écrire pour les femmes
Fille d’un juge de la cour royale, Antoinette de Salvan est éduquée avec soin et possède une solide culture lorsqu’elle se marie à l’âge de 22 ans. Son époux, Antoine de Saliès est viguier d’Albi, haute fonction judiciaire qui fait de lui le personnage civil le plus important de la ville. Lorsqu’il meurt en 1672, Antoinette n’a que 33 ans et trois enfants. Elle ne songe pas à se remarier et dira que ce veuvage a favorisé sa vocation en lui offrant la liberté d’écrire. Au château de Saliès ou dans son hôtel particulier d’Albi, elle s’entoure d’esprits savants. Lectrice du Mercure Galant, elle se tient au courant de l’actualité, s’intéresse aux lettres et aux sciences et rédige elle-même de nombreux articles dans les pages de la revue. Elle y prône notamment une société nouvelle où les femmes ne seraient « ni prudes ni coquettes, vivant dans le respect et l’amitié avec des hommes ni séducteurs ni pédants. »
La qualité de ses écrits lui vaut une réelle estime internationale puisqu’en 1689, sous le nom glorieux de « La Spirituelle », elle devient membre de la brillante Académie des Ricovrati, l’une des rares académies en Europe à accepter des femmes. Car Antoinette prend à cœur la condition des femmes, du moins celles de son milieu aristocrate et lettré, et leur consacre des romans. Après Les princesses de Bavière, Isabelle et Marguerite, La Comtesse d’Isembourg, princesse de Hohenzollern connaît en 1678 un succès retentissant.
Devenue célèbre de son vivant, Antoinette ne quitte pas l’Albigeois pour autant. Au contraire, elle y crée en 1704 son propre cercle littéraire qu’elle souhaite mixte et qu’elle nomme Société des chevaliers et chevalières de la Bonne-Foi. C’est en vers qu’elle définit les statuts, dont voici les premières lignes.
Une amitié tendre et sincère,
Plus douce mille fois que l’amoureuse loi,
Doit être le lien, l’aimable caractère
Des chevaliers de bonne-foi.
Après 1710, sans doute très affectée par la mort d’un de ses enfants, Antoinette cesse de publier. Elle s’éteint en 1730 à l’âge de 92 ans et repose dans l’église de Saliès où sa pierre tombale est toujours visible.
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Eugénie de Guérin
1805 Andillac – 1848 Andillac.
Un journal cœur à cœur
Eugénie a 14 ans lorsque sa mère meurt de maladie en 1819. Elle lui promet d’assumer le rôle de maîtresse de maison et celui de mère auprès de Maurice, son jeune frère âgé de 9 ans. Le manoir du Cayla, qui abrite cette famille de petite noblesse, est pour Eugénie le centre du monde, avec sa grande cuisine et la simple chambrette où elle se réfugie pour prier, peindre, coudre ou écrire. Écrire… Depuis le Cayla où elle passe toute sa vie, Eugénie communique avec le monde grâce à sa plume. Trop peu fortunée pour se constituer une dot, elle ne cherche pas à se marier. Sans doute serait-elle entrée en religion si elle n’avait charge de famille.
À partir de 1834, lorsque Maurice devenu jeune poète romantique est parti chercher le succès à Paris, elle commence un Journal qu’elle destine à son frère. Elle y note ses lectures, ses émotions, les nuances du ciel, les choses simples de la vie, et s’inquiète pour l’avenir de Maurice. Elle l’encourage à progresser dans son œuvre littéraire et jamais ne doute de ses capacités.
À l’automne 1838, elle entreprend son premier grand voyage pour assister à Paris au mariage de ce frère tant aimé. Elle y rencontre un de ses amis, Barbey d’Aurevilly qui lui conseille de manifester plus ouvertement son propre talent. Mais voilà que l’avenir bascule. Atteint de tuberculose, Maurice meurt en 1838 à l’âge 29 ans. Sa disparition est pour Eugénie un déchirement à jamais, et son journal qu’elle poursuit jusqu’en 1842 reflète cette immense peine. La maladie l’emporte, elle aussi, en 1848.
Publié en 1863, deux ans après les œuvres de Maurice, grâce au concours de Barbey d’Aurevilly, le journal d’Eugénie de Guérin, sera réédité 60 fois. Son éditeur, Guillaume- Stanislas Trébutien, a senti avec justesse la force de ces textes authentiques et délicats. Ils révèlent aujourd’hui la vie intime, l’amour de la famille et de la nature, ainsi que la profonde spiritualité d’une jeune fille en Albigeois dans la première moitié du XIXe siècle.
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Amélie Galup
1856 Bordeaux – 1943 Paris.
L’une des premières femmes photographes
Entre 1895 et 1912, Amélie Galup réalise plusieurs milliers de clichés parmi lesquels des centaines concernent Albi, ses environs, ses rues et la vie quotidienne qui s’y déroule.
À cette époque, la photographie n’en est plus à ses débuts. La chambre noire a évolué vers l’appareil « à main » que les photographes amateurs ont déjà adopté. Amélie, elle, ne dédaigne ni l’une ni l’autre, et surtout elle réalise ses photos de A à Z. D’un coin de jardin, elle fait un studio pour portraits, et elle installe un labo dans la cave de sa maison. Avec maîtrise et sensibilité, elle y travaille ses tirages, sans prétention professionnelle.
En réalité, cette artiste née Suzanne Albertine Faure est la neuvième enfant d’une famille de négociants bordelais. Orpheline à 12 ans, hébergée chez ses frères et sœurs, elle a 20 ans en 1876 lorsque son frère tente de la marier. Afin d’exprimer son refus, elle coupe ses cheveux avant de se présenter au repas de fiançailles. Ce geste, devenu aujourd’hui un symbole fort de l’audace féminine, lui rend sa liberté.
Au cours de cette jeunesse errante et peu choyée, la jeune fille a aiguisé son regard. Elle sait rendre dans ses clichés les visages et les attitudes, le corps au travail, les scènes de fête… Sa première photo connue, datée de 1895, est un portrait de Albert Galup, l’homme qu’elle a choisi et épousé en 1879. Elle a laissé de nombreuses photos de lui et de leurs enfants, Jean et Marie, cette dernière étant son modèle préféré.
Son mariage avec Albert, magistrat, emmène Amélie en Occitanie : Cahors, Albi, Saint- Antonin-Noble-Val où se tient la maison familiale des Galup. C’est dans cette maison qu’a été conservée l’œuvre d’Amélie. Quatorze recueils de tirages réalisés par l’artiste elle-même ainsi que 2000 négatifs sur plaques de verre. Le sociologue, Claude Harmelle, qui les découvre en 1980, perçoit immédiatement la beauté plastique de ces photos ainsi que leur richesse ethnographique. Une exposition organisée à Paris en 1984 met en lumière l’œuvre de cette femme photographe et le regard qu’elle posait sur le monde, tel qu’il était, il y a 120 ans.
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Madame Dembourg
1817 Rigny – 1849 Skikda et 1896 Boulogne-Billancourt.
Entre mystère et générosité
Sur la rive droite du Tarn, l’avenue Dembourg, autrefois route de Cordes, porte le nom d’une femme dont la générosité a permis en 1896 la création de la Verrerie Ouvrière d’Albi.
Vers 1890, l’importante verrerie de Carmaux emploie 1000 ouvriers qui produisent 10 000 bouteilles par jour. Cadence, chaleur des fours…, les conditions de travail y sont rudes. Lors d’une longue grève liée au renvoi d’un délégué syndical, un groupe de verriers soutenus par Jaurès décide de créer une usine nouvelle qui serait gérée par les ouvriers eux-mêmes. L’idée enthousiasme les milieux de gauche. Tour de France avec appel de fonds, souscription nationale, donations multiples, subvention de la ville d’Albi, l’argent a beau affluer, les subsides récoltés restent insuffisants et l’espoir faiblit. C’est alors qu’apparait Henri Rochefort, député extrême gauche de la Seine, apportant la somme de 100 000 francs or qui permet d’acheter route de Cordes un terrain où bâtir la verrerie. Les travaux peuvent commencer.
Cet apport quasi miraculeux provient d’une certaine veuve Dembourg, récemment décédée. Personne ne connait cette généreuse donatrice, pas même son prénom.
Quel mystère !
En réalité, il existe dans les archives de l’État Civil un acte de naissance la concernant : née Élliane Catherine Grégoire le 9 décembre 1817 à Rigny (Haute-Saône), elle aurait épousé Jean-Louis Dembourg, joaillier de Metz, avec lequel elle émigre en Algérie à Philippeville (aujourd’hui Skikda). Un acte de décès certifie sa mort, le 17 octobre 1849, suivie trois ans plus tard par celle de son époux. Mais une autre Élliane Catherine Grégoire, veuve Dembourg, rentière, née des mêmes parents à la même date, décède le 6 juin 1896 à son domicile de Boulogne-Billancourt. Sur l’acte de décès, apparait le nom d’Ernest Vaughan, venu déclarer la mort. Ce voisin et ami de la défunte est gérant du journal de gauche l’Intransigeant qui a été fondé par Henri Rochefort. C’est ainsi qu’Élliane Dembourg, à l’approche de sa mort, a pu léguer une partie de sa fortune aux verriers d’Albi par l’intermédiaire d’Henri Rochefort.
Mais, entre la femme morte en 1849 en Algérie et la rentière de Boulogne, saura-t-on jamais laquelle est vraiment née à Rigny en 1817 ?
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Jeanne Ramel-Cals
1883 Albi – 1976 Paris.
La Dame de Cordes
À 19 ans, elle révèle ses talents d’artiste en exposant trois peintures sous le nom de « Mademoiselle Jeanne » au 1er Salon des Artistes Albigeois. Jeanne aurait pu être peintre, mais c’est dans l’écriture qu’elle trouve vraiment sa voie. Elle quitte Albi pour Paris où elle se nomme bientôt Jeanne Ramel-Cals et exerce sa plume en tant que journaliste. Ses chroniques dans Le matin, Le Petit Journal, Le Crapouillot, Le journal illustré… sont très appréciées pour leur style alerte et leur regard pénétrant. Jeanne écrit aussi pour la presse régionale et publie ses premiers romans avant 1930. Dans Amour en province et La belle captive, elle aborde les relations entre les hommes et les femmes de la Belle Époque, décrivant les illusions et désillusions des jeunes femmes bourgeoises face aux préjugés du monde provincial. La finesse de ses observations, la liberté de ses jugements et sa plume légère, impertinente, semblent faire écho aux textes de Colette, la grande romancière du début du XXe siècle.
Restée proche de son Sud-Ouest natal, Jeanne Ramel-Cals publie en 1929 Les Histoires des Albigeois où elle se moque avec tendresse des monuments d’Albi, évoque la cathédrale « monstrueusement belle et sauvage, accroupie sur son rocher…» et regarde avec poésie une belle fontaine « qui pleure sans savoir pourquoi ». Elle ne se contente pas d’écrire ses livres, elle les illustre aussi, d’un trait sûr, parfois gentiment caricatural.
Fuyant Paris en 1940, elle s’installe à Cordes en compagnie d’un groupe d’artistes. Après la guerre, elle y séjourne tous les étés, habitant la maison qui jouxte la Porte des Ormeaux —aujourd’hui musée Charles Portal— puis l’imposante tour de la Barbacane.
En 1947, c’est l’imagination poétique de Jeanne Ramel-Cals qui pose Cordes sur le ciel. Quelle ville rêverait d’un plus beau cadeau? Dans son ouvrage intitulé Légendaire de Cordes sur Ciel, elle évoque la mer de nuages qui enserre la colline aux petits matins d’automne et de printemps. Ce nom céleste s’impose peu à peu dans les conversations avant d’être officialisé en 1993. Jeanne se voit baptisée de son vivant « la Dame de Cordes-sur-Ciel ». Depuis 1976, elle repose dans la terre de ses ancêtres face à la ville que son élan poétique a magnifiée.
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Louisa Paulin
1888 Réalmont – 1944 Réalmont.
Écrire d’une langue à l’autre
Née dans une famille paysanne de l’Albigeois où l’on parle occitan, Louisa n’apprend le français qu’à l’école primaire. Elle a 19 ans en 1907 lorsqu’elle sort de l’École Normale d’Albi et s’apprête à devenir institutrice dans le Tarn. En 1912, après un mariage mal- heureux et la perte de trois enfants nouveau-nés, elle est nommée dans le Limousin. Dans ce pays qu’elle découvre avec bonheur, Louisa commence à écrire. Elle publie en 1928 des contes et des textes régionalistes. « Princesse des collines, écrira-t-elle, je régnais sur les prés, les landes et les bois des terres limousines ».
Mais sa santé se détériore. Atteinte d’une neuropathie qui l’entraîne vers l’invalidité, elle se retire à Réalmont dans la maison de sa mère. C’est désormais en Albigeois qu’elle va bâtir un nouveau royaume. Le journal qu’elle écrit entre 1930 à 1936 permet de suivre page à page ce nouvel enracinement : d’abord le jardin et la nature, puis les gens autour d’elle : Louisa la solitaire va vers les villageois et les paysans, les écoute parler en patois et tente de retranscrire leurs paroles. C’est à ce moment que s’impose à elle le besoin d’étudier la langue d’oc. Sans perdre son amour pour la langue française, elle s’éveille à la littérature occitane avec le soutien de Joseph Salvat et Prosper Estieu, fondateurs en 1927 du Collège d’Occitanie. Elle rencontre aussi le poète ethnographe occitan Antonin Perbosc avec lequel elle entretient une correspondance amicale et intime. Après un voyage au bord de l’océan, elle lui écrit : « Je me suis réfugiée « quelque part », moi aussi, quelque part entre terre et mer, de façon à n’aborder jamais. » Malgré la maladie qui la tenaille, le mot liberté pourrait être l’un des maîtres mots de sa vie… En 1937, Louisa Paulin est lauréate à l’Académie des Jeux floraux, célèbre société littéraire fondée à Toulouse au Moyen Âge. Ses premières œuvres en occitan paraissent vers 1940. Devenue impotente, presque aveugle, elle dicte jusqu’à sa mort ses lettres et ses poèmes aux amis qui la soutiennent.
Au printemps 1945, en hommage à l’œuvre de la poétesse, ceux-ci fondent la Société des Amis de Louisa Paulin, société réalmontaise toujours vivante aujourd’hui.
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Madeleine Goulesque
1871 Saint-Juéry – 1942 Saint Juéry.
Forte, rebelle et solidaire
Figure emblématique du courage des femmes pendant la Première Guerre mondiale, Madeleine Goulesque, née Gabis, est issue d’une famille d’ouvriers métallurgistes venus de Toulouse travailler à l’usine du Saut du Tarn. Dès la fin du XIXe siècle, ce centre sidérurgique est l’un des meilleurs de France, produisant par millions des outils agricoles et des limes. À partir de 1915, répondant aux commandes du ministère de l’Armement, il emploie 3 000 personnes, dont de nombreuses femmes, à la fabrication d’obus. Dès 1916, la commande s’élève à 24 000 obus par mois.
Madeleine, nommée Goulesque depuis son mariage en 1901, fait partie des tourneuses d’obus. Ces femmes, en station debout dix à treize heures par jour, emboutissent le métal, font des soudures au chalumeau, actionnent de lourdes machines, soulèvent et contrôlent un à un des obus pesant sept kilos. Elles apprennent le métier sur le tas, supervisées par un ouvrier ou un contremaître. Pendant quatre ans, bien qu’indispensables à l’industrie de guerre, elles n’auront jamais droit à aucune qualification. Et, malgré la qualité de leur travail, elles gagnent bien moins que les hommes.
En août 1916, Madeleine est en première ligne lorsqu’une grève pour les salaires éclate dans l’atelier des gaines pour obus. Ce premier mouvement, non syndiqué, échoue. Pour se faire entendre, de nombreux ouvriers adhèrent à la CGT, fondée depuis 1895. Madeleine en profite pour créer une section féminine de 83 adhérentes appartenant aux ateliers d’obus. Quelques mois plus tard, à la tête de ce groupe de femmes, elle a l’audace d’interpeller en public Albert Thomas, le ministre de l’Armement venu visiter l’usine. Madeleine ne mâche pas ses mots et son discours a un véritable impact. Car Albert Thomas, attentif à la cause ouvrière, fait ensuite pression sur les industriels français afin que la production d’armement pour la défense nationale soit plus justement rémunérée.
Fin 1916, la direction du Saut du Tarn se voit contrainte d’accepter de réelles augmen- tations de salaire et la nomination de délégués syndicaux.
Dynamisées par cette victoire, les tourneuses d’obus reprennent leur pénible travail…
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Dominique Malvy
1948 Paris – 2002 Albi.
Une femme engagée pour les droits des femmes
Immense générosité, énergie et détermination, lutte contre toutes les injustices… Plus de 20 ans après la mort de Dominique Malvy, celles et ceux qui l’ont connue ont des mots chargés de respect et d’émotion pour évoquer la femme exceptionnelle qu’elle était.
Après des études brillantes à Paris, elle termine à Toulouse une spécialité de gynécologie et s’engage dans le mouvement féministe en 1974, au moment où Simone Veil obtient la légalisation de l’IVG. Ayant ouvert un cabinet à Albi, Dominique Malvy est alors le seul médecin de la ville qui s’engage à pratiquer des avortements. Elle installe à l’hôpital une cellule d’accueil où les femmes sont reçues par une assistante sociale lors d’un entretien préalable à l’intervention. Parallèlement, elle se déplace dans les collèges et les lycées pour parler de la contraception et crée en 1975 l’unité du Planning Familial d’Albi.
Multipliant les engagements humanistes, Dominique Malvy est élue adjointe aux affaires sociales auprès du maire d’Albi Michel Castel. En 1978, elle soutient la création de la Maison des femmes, rue de Genève, afin de venir en aide aux femmes victimes de violences familiales. Ce lieu d’accueil comprend un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale ainsi qu’un Centre Maternel et des logements indépendants. Aujourd’hui, plus de 80 femmes et enfants peuvent y trouver refuge.
Le 2 mars 2000, Dominique Malvy devient pour la presse française « la lionne de Denfert-Rochereau ». Ce jour-là, des dizaines de milliers de femmes manifestent à Paris pour défendre l’opération « Touche pas à mon gynéco » lancée par le mouvement Jeunes femmes d’Albi. Un million de pétitions sont parvenues à Matignon, presque autant au ministère de la Santé. À la tête de cette action d’ampleur nationale, Dominique Malvy réclame le maintien de la gynécologie médicale, une spécialité indispensable à la santé et au bien-être des femmes. Et elle obtient gain de cause.…
Mais ce cœur si grand cesse de battre le 7 mars 2002. La disparition brutale de Dominique Malvy bouleverse le monde engagé dans lequel elle a vécu. De multiples hommages lui sont rendus et des témoignages poignants continuent aujourd’hui d’honorer sa mémoire.
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Geneviève Bon
1950 Albi – 1997 Montpellier.
Une écriture sensible
C’est à Albi que naît Geneviève Bon, et c’est aussi à Albi qu’elle commence en août 1991 la rédaction de Chronique d’un été sans orage, le cinquième de ses six romans. Elle y décrit l’ambiance calme et nostalgique d’une ville de province où une femme pianiste a disparu… La disparition d’une jeune fille est aussi le thème de La saison des Bals publié en 1988, roman envoutant qui déploie un monde aristocratique allemand immobile et fastueux, nourri de vieux mythes germaniques. L’enquête n’y est pas policière mais plutôt intime, sensible, et prend des allures de voyage intérieur dans un imbroglio amoureux.
Ces deux livres succèdent à Un été de cendres (1986) dans lequel l’écrivaine déroule les séjours interminables de son enfance chez Papé et Mamé, dans un village des années 60 : l’eau courante n’est pas encore arrivée, les promenades se terminent souvent par une visite au cimetière et les filles qui sortent le soir sont mal vues le dimanche à la messe.
« Il est rare dans un premier roman », écrit alors dans Le Monde Pierre-Robert Leclercq « de trouver une écriture qui coule, phrase simple après phrase simple, pour créer ce qu’on appelle un style ». Dès sa sortie, Un été de cendres connaît un réel succès. Geneviève Bon est sélectionnée par les lectrices de la revue Elle, puis invitée dans les émissions télévisées Aujourd’hui la vie sur Antenne 2 et Apostrophes de Bernard Pivot. Elle prend vite place parmi les romancières estimées de sa génération. Sa carrière littéraire se poursuit avec L’année du bonheur (1994) ainsi que le recueil de poésie D’amour et de terre (1996). Mais tout s’arrête trop tôt. Victime d’une tumeur au cerveau, Geneviève Bon décède à Montpellier en juillet 1997, à l’âge de 47 ans.
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Salvius, dit Saint Salvi
… Albi – 584 Albi.
Revenu d’entre les morts
Salvius n’est sans doute pas son prénom. Il appartient à la puissante famille gallo-romaine des Salvii, immensément riche et dotée de gigantesques domaines dans la vallée du Tarn. De cette famille sont issus bien des évêques et des chefs d’armées. Des cousins de Salvius sont élevés à la cour du roi Clotaire, fils de Clovis, et peut-être y séjourne-t-il, lui aussi, mais on ne sait rien de sa jeunesse hormis les études de droit et d’éloquence qu’il entreprend afin de devenir avocat. Ce qui nous est connu de lui par la suite provient de l’évêque Grégoire de Tours qui fut son ami et a rédigé une longue Histoire des Francs, l’une des meilleures sources de la période mérovingienne.
Un jour, Salvius quitte sa vie de riche notable pour se retirer dans un monastère près de la cité d’Albi. Dans une simple cabane, il passe ses journées à prier et à jeûner. Ces rudes conditions de vie l’affaiblissent tant, qu’il paraît y succomber. On le croit mort et l’on prépare déjà son enterrement. Mais voilà qu’il revient à la vie ! Son entourage crie au miracle, les Albigeois accourent… Une fois remis, Salvius devient abbé de sa communauté et la dirige avec tant de sagesse que les notables et le clergé d’Albi le choisissent comme évêque en 574. Lourde tâche en ces temps de guerres, lorsque l’évêque est en même temps chef religieux et défenseur de la cité !
Peu après, le chef d’armée Mommolus, au service du roi Gontran, met à sac la ville Albi, emmenant les hommes pour les vendre comme esclaves. Salvi s’avance pour discuter avec le vainqueur et lui rachète les prisonniers. Son prestige s’en trouve renforcé.
Quelques années plus tard, on le retrouve à la cour de Chilpéric Ier où il discute théologie avec le roi. Mais Salvius n’abandonne pas sa ville d’Albi. C’est entre ses murs qu’il meurt en 584, lors d’une terrible épidémie de peste.
Son tombeau devient vite un lieu de vénération et sa réputation de sainteté grandit. Un sanctuaire dédié à ses reliques est bâti au Xe siècle à l’emplacement de l’actuelle collégiale Saint-Salvi, qui sera pendant longtemps la plus importante église d’Albi.
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Archidiacre Sicard
Vers 1100 ? – 1144 Albi
Un artiste au service de Sainte-Cécile
Bien avant la construction de la cathédrale de briques que nous connaissons, la Cité épiscopale d’Albi a connu au Moyen-Âge un grand rayonnement grâce à son scriptorium. Copistes, enlumineurs, relieurs… y travaillent à la fabrication des livres. Les religieux penchés sur leurs pupitres copient des textes sacrés, des textes antiques et des notations musicales. Les manuscrits musicaux, parmi les plus nombreux, témoignent de l’importance du chant dans le service divin, une des tâches essentielles des chanoines de la cathédrale étant de chanter pour Dieu, plusieurs heures par jour.
Les manuscrits réalisés dans le scriptorium pendant de longs mois de travail sont utilisés sur place ou vendus ailleurs. Objets de grande valeur, ils circulent d’une cité à l’autre, bien au-delà des frontières. La renommée du scriptorium d’Albi atteint son apogée au XIIe siècle pendant l’activité d’un archidiacre nommé Sicard. Comme les autres chanoines de la cathédrale, ce religieux chargé de responsabilités est d’origine aristocratique, peut-être fils d’un petit seigneur des environs. Comme eux, il possède sa maison à l’intérieur de la Cité. Sa position semble lui permettre une double fonction : commanditaire et chef d’atelier, il copie lui-même et fait copier d’autres manuscrits. Il se révèle un grand maître de la calligraphie. Son écriture, bien reconnaissable, ronde et élégante, laisse paraître une belle sensibilité. Il est aussi remarquable ornemaniste, jouant d’abord d’une palette franche des quatre couleurs primaires et usant plus tard de rouges saturés et de bleus sombres qu’il oppose à des palmettes blanches où chantent des oiseaux.
Trois manuscrits authentifiés de lui ont été conservés, dont deux sacramentaires, livres de prières que l’on lisait à haute voix. L’un d’eux, fait d’un luxueux parchemin extra fin, est signé de ces mots : « À Vierge Cécile, celle dont il s’est fait le serviteur éternel, Sicard dédie ce livre ».
Après la mort de Sicard en 1144, le scriptorium d’Albi connaît un rapide déclin. Mais le talent de ce grand artiste est aujourd’hui reconnu dans le monde entier.
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Azemar lo Negre
Vers 1190 Albi – ? ? ?
Le troubadour de l’amour courtois
Désormais mon sort sera doux, elle m’a promis sa tendresse :
depuis ce moment je la presse de m’appeler à ses genoux.
Non pas que mon amour prétende En un seul jour tout obtenir.
Ce qui peut lui mieux convenir Voilà ce que je lui demande…
Henri-Paschal de Rochegude, dans le langage fleuri du XIXe siècle, traduit ainsi un extrait d’une canso (chant d’amour) écrite en langue d’oc par le troubadour Azemar lo negre.
Azemar est originaire du Castelviel, aux portes de la cité d’Albi. On ne sait rien de l’homme qu’il était, hormis peut-être la couleur de son teint et de ses cheveux, indiquée par le surnom « lo negre ». On ne sait pas non plus auprès de quel maître il a appris son art. Azemar fait partie de ces poètes, compositeurs et musiciens qui, pour la première fois en Occident, osent exprimer leurs chansons non plus en latin mais en occitan, la langue parlée dans le sud du royaume de France. Deux manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France conservent ses cansos, accompagnées de quelques lignes relatant la vie de l’auteur: vers 1210, Azemar a sa place dans l’entourage du comte Raymond VI de Toulouse qui l’apprécie et le récompense en lui offrant une maison toulousaine. On voit aussi le poète séjourner chez le roi Ferdinand de Castille et chez Pierre II d’Aragon. Les princes de cette époque, afin de faire briller leur cour, accueillent de nombreux troubadours qui viennent y chanter les louanges de leur hôte et de sa Dame. Ces troubadours, tels Azemar, Peire Vidal ou Raimon de Miraval usent aussi de leur talent pour écrire des textes contre la croisade des chevaliers du nord venus conquérir le pays d’Occitanie.
Vers 1219, on perd la trace d’Azemar… Mais il semble probable qu’il ait atteint de son vivant une vraie célébrité car le grand Pétrarque, poète florentin du XIVe siècle et ad- mirateur des troubadours, possédait un manuscrit où figurent les œuvres du poète albigeois.
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Bernard de Castanet
Vers 1240 Montpellier – 1317 Avignon.
Avait-il oublié Dieu ?
Après des études de juriste à Montpellier, Bernard de Castanet est archidiacre à Narbonne puis rejoint à Rome l’administration pontificale où il se montre habile négociateur et âpre défenseur de la papauté. En 1276, le pape Innocent III le nomme évêque d’Albi, l’un des diocèses les plus riches de France dont le siège est vacant depuis 5 ans.
Suite aux victoires de l’armée royale en 1209 contre les cathares et les comtés occitans, l’évêque d’Albi a hérité de l’ancien domaine des Trencavel; il est à la fois le seigneur re- ligieux et féodal de la ville. Maître d’une quarantaine de paroisses, ses revenus annuels atteignent 20 000 livres. Il y ajoute les droits de l’Église en Albigeois, en particulier l’impôt de la dîme. Au moins 300 personnes (clercs, gardes, police, secrétaires, prêtres, officiers, chevaliers…) sont à son service.
En face de cette énorme machine, il y a les Albigeois, dirigés par un groupe de notables attachés à leurs institutions municipales, fondées en 1269. Très vite, la tension monte entre la ville et l’évêque absolutiste abrité dans la forteresse de la Berbie. Les consuls albigeois font appel au Roi de France, soucieux de limiter le pouvoir seigneurial. Dès 1278, plusieurs jugements du tribunal de l’évêque sont annulés par la justice royale. En guise de réponse, Castanet lance la construction d’une nouvelle cathédrale toute en brique, une cathédrale guerrière qui domine la ville. Il y investit 1/20e de son revenu pendant 20 ans, et les travaux débutent dès 1285. L’évêque utilise aussi l’Inquisition comme arme de pouvoir : certains notables albigeois proches du catharisme sont taxés d’hérésie et condamnés. Ainsi Guilhem Fenasse, riche marchand habitant la belle demeure encore visible près du marché couvert, est incarcéré et spolié de ses biens.
C’est dans ce climat que survient Bernard Délicieux, moine franciscain opposé à l’in- quisition. Grâce à lui et à ses appuis, la plainte des Albigeois est entendue par le pape Clément V installé en Avignon. Bernard de Castanet est déplacé vers un évêché de moindre importance, le Puy.
Huit siècles plus tard, la cathédrale qu’il a fait bâtir est toujours debout. Elle appartient aujoud’hui au patrimoine mondial, pour le plus grand bonheur des Albigeois.
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Johannes Neumeister
Vers 1440 Treysa (Allemagne) -vers 1512 Lyon.
Pionnier de l’imprimerie à Albi
Johannes Neumeister, nommé en France Jean Neumeister ou Jean d’Albi est prototypo- graphe, un mot savant pour désigner l’un des premiers imprimeurs. En 1454, le jeune homme est étudiant à l’Université d’Erfurt, en Allemagne, puis il achève sa formation à Mayence dans l’atelier de Gutenberg. L’imprimerie est alors un tout nouveau procédé permettant de reproduire des textes écrits sur du papier par pressage de lettres de plomb préalablement encrées. Cette technique mise au point vers 1450 par Gutenberg va entrainer une large diffusion du savoir à travers l’Europe.
Vers 1462, Jean Neumeister voyage en Italie pour proposer son art d’une ville à l’autre et surtout pour trouver des mécènes car son métier nécessite un matériel coûteux. En 1472, on le trouve dans la ville de Foligno, en Ombrie, où il publie la première édition de La Divine Comédie de Dante. Très vite, les soucis financiers l’obligent à regagner Mayence. En 1479, il y est connu comme maître imprimeur sans réussir à s’y maintenir.
En 1481, il arrive à Albi où un atelier d’imprimerie existe déjà, le troisième en France après Paris et Lyon ! Deux brillants évêques, Jean Jouffroy et Louis Ier d’Amboise, y ont favorisé l’introduction de cette technique d’avenir. Tous deux, amoureux des livres et proches du Roi de France, ont été en contact avec l’imprimeur Guillaume Fichet qui a installé le premier atelier à la Sorbonne (Université de Paris fondé en 1253).
À Albi, Jean Neumeister va imprimer treize ouvrages, pour la plupart des livres religieux, des missels et un petit traité de Cicéron, Les Paradoxes des Stoïciens. Ces ouvrages sont aujourd’hui classés parmi les incunables : les précieux livres imprimés avant 1500. Mais les Albigeois ne sont pas encore prêts à avoir de la lecture chez eux et les commandes sont trop rares pour l’imprimeur, qui quitte la ville en 1487. Le prochain n’y arrivera qu’en 1660.
De retour à Lyon, Neumeister y imprime un magnifique Missel romain ainsi qu’un bréviaire. Malgré ce succès, il manque de fonds pour continuer et doit se contenter de redevenir un simple compagnon imprimeur dans des ateliers dirigés par d’autres.
Il meurt dans la pauvreté, sans doute à Lyon, vers 1512 .
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Jean-François de Galaup de La Pérouse
1741 Albi – 1788 Vanikoro
Grand marin et grand amoureux
Jean-François de Galaup naît le 23 août 1741 au château du Gô, tout près d’Albi. Le nom de La Pérouse est celui d’un hameau tout proche que lui cédera son père afin qu’il puisse payer ses études à l’école de la marine royale.
En juin 1785, lorsqu’il est convoqué à Versailles par le roi Louis XVI, La Pérouse est un capi- taine de vaisseau reconnu pour son courage, ses qualités humaines et son expérience. Le Roi lui confie la mission de diriger la première expédition scientifique française à travers le monde, dans le but de compléter les explorations récentes du capitaine anglais James Cook.
La Pérouse part-il d’un cœur léger ? Il laisse à Albi sa bien-aimée qu’il vient d’épouser après de trop longues fiançailles. Il a 31 ans en 1772 lorsqu’il rencontre en Île de France (île Maurice) Éléonore, 17 ans, fille de l’armateur nantais Abraham Broudou. Jean-François en tombe amoureux, et peu lui importe si la jeune fille n’est ni noble ni fortunée. Sur l’île, il vit auprès d’elle cinq belles années. De retour en France en 1777, il subit l’orage familial : « Mon fils », lui exprime son père, « vous envisagez un mariage qui vous met dans la disgrâce… En vous avilissant, vous humiliez toute votre famille et votre parenté… » Jean-François se tait. La guerre d’indépendance américaine vient d’éclater. Il part se battre contre les Anglais et revient couvert de gloire. Pendant ce temps, sa mère a arrangé pour lui un mariage avec une noble albigeoise, Élaine de Vésian. Jean-François est prêt à céder mais, revoyant Éléonore pour lui rendre sa parole, il comprend que son amour est intact. Avec énergie, il réclame son émancipation à son père et, enfin libre, il peut épouser sa fiancée à Paris en juin 1783.
Le 1er août 1785, la Boussole et l’Astrolabe, les deux navires de l’expédition La Pérouse quittent le port de Brest. Leur retour est prévu pour fin 1789…
À cette date, la Révolution Française occupe tous les esprits. Éléonore écrit au ministre de la marine pour le supplier d’organiser des recherches. Naufragé quelque part, son mari attend des secours, elle en est certaine. En l’attendant, elle s’occupe de son neveu, fils de Frédéric Broudou embarqué sur la Boussole avec Jean-François. Une première expédition lancée en 1791 ne rapporte aucune nouvelle du navigateur.
Éléonore, qui jamais n’a cessé d’attendre, meurt en 1807 à l’âge de 52 ans. Et ce n’est qu’en 1828 que l’explorateur français Dumont d’Urville découvre à Vanikoro, l’une des îles Salomon le lieu du naufrage des deux navires. Aucun des rescapés n’est encore en vie.
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Henri-Paschal de Rochegude
1741 Albi – 1834 Albi.
Tant de vies en une seule !
À la fois grand marin, homme politique reconnu, érudit incomparable, bienfaiteur de la ville d’Albi et de la culture occitane, Henri-Paschal de Rochegude semble bien avoir eu plusieurs vies au cours des 93 années que dura la sienne.
Sa carrière commence sur la mer. Engagé dans la marine royale en 1757, il bataille contre les Anglais, participe à une mission en Inde puis à l’expédition de Kerguelen en 1773-74. Ayant vaillamment affronté la guerre d’indépendance américaine, il assure ensuite une opération de contrôle à Saint-Domingue. Puis, en 1793, il est nommé contre-amiral, chargé d’inspecter les ports et les arsenaux. Cette intense activité ne l’empêche pas de s’engager dans la Révolution française. Député à l’Assemblée, il participe au vote de la première Constitution. À Albi dès 1789, il est l’un des commissaires chargés des cahiers de doléances et aide à la mise en place de la première municipalité.
En 1799 —il a déjà 58 ans— Henri de Rochegude se retire dans son hôtel particulier à Albi pour se consacrer pleinement à l’étude. De son écriture fine et régulière, il copie des milliers de pages, compile à la Bibliothèque Nationale des milliers de livres, en achète tout autant pour sa bibliothèque personnelle. Sensible à la littérature occitane, il est le premier à mener une étude sérieuse sur les troubadours et rédige Le Parnasse occitanien qu’il publie anonymement en 1819 et qu’il accompagne peu après d’un Glossaire occitanien. Sa bibliothèque, composée de 12400 volumes, est une mine de trésors en toutes langues (latin, grec, ancien français, italien, anglais, espagnol, portugais) qu’il maitrîse admirablement, et en tous domaines, qu’ils soient scientifiques ou littéraires.
Avant de mourir en 1834, il lègue à la ville d’Albi son hôtel particulier et le parc qui l’en- toure, ainsi que sa précieuse bibliothèque aujourd’hui conservée à la médiathèque Pierre Amalric. Henri-Paschal de Rochegude, homme discret de son vivant, le reste jusque dans la mort. C’est sous une pierre anonyme qu’il se fait enterrer au cimetière de l’hôpital et son tombeau n’a pu être retrouvé.
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Jean-François Mariès
1758 Albi – 1852 Albi.
Le sauveur de la cathédrale
Jean-François Mariès a 61 ans en 1819 lorsqu’il revient à Albi, sa ville natale, après ses diverses missions d’ingénieur des Ponts et Chaussées. Ce « jeune vieillard » doté d’une immense puissance de travail n’est pas fait pour une retraite oisive. Élu conseiller mu- nicipal, il se penche sur le nouveau plan de la ville où il prévoit des travaux d’envergure pour faire d’Albi une ville plus aérée, plus fonctionnelle, pouvant accueillir une population croissante issue de l’exode rural. C’est ainsi que l’actuelle place Sainte-Cécile et son parvis naissent de la destruction des maisons encadrant la place de la Pile. La rue Sainte-Cécile est ouverte vers la route de Toulouse, une nouvelle rue aboutit aux Lices tandis qu’une autre rejoint le lycée La Pérouse tout près du futur Pont Neuf. À ces travaux qui touchent aussi le faubourg du Vigan et celui de la Madeleine, s’ajoutent l’édification de la caserne de gendarmerie et de l’hôtel de préfecture. Ce nouvel urbanisme vaudra à Mariès le surnom d’Haussman albigeois.
Mais son plus bel acte de bravoure est plus ancien et remonte à l’année 1792. Jean- François Mariès travaille alors à Albi comme inspecteur des travaux publics. La cathédrale Sainte-Cécile, devenue Temple de la Raison, est en grand péril. Le Conseil départemental a voté la destruction du chœur. Les statues du jubé sont déjà tombées, les bronzes ont été fondus pour couler des canons et un badigeon menace la célèbre voute bleue, or et argent. En cette période révolutionnaire, personne n’ose protester. Balayant toutes les peurs, Mariès écrit au Ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Roland, également conservateur des Monuments publics, et plaide à la fois pour la tolérance et pour l’art, en faveur du chef d’œuvre gothique albigeois. Roland, sensible au ton de sa lettre, lui répond favorablement et donne ordre de sauvegarder l’édifice.
Que de bienfaits pour la ville d’Albi dans cette vie si remplie ! Jean-François Mariès meurt à l’âge de 96 ans, dans sa maison de la rue Saint-Antoine, étonné d’avoir vécu si vieux. Et il est bien certain que cet homme remarquable méritait que la ville donne son nom à l’une des rues qu’il avait fait percer.
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François-Joseph Maraval
1816 Albi – 1890 Albi.
Une succes-story albigeoise
La haute cheminée de brique qui se dresse comme un phare rue Sainte-Marie, dans le quartier de la Madeleine, appartient désormais à un lieu culturel albigeois. Dernière cheminée industrielle au cœur de la ville, elle surmontait l’une des chapelleries de François-Joseph Maraval qui fut le grand maître du chapeau à Albi pendant la seconde moitié du XIXe siècle.
C’est dans le modeste atelier de son père que François-Joseph apprend le métier de chapelier avant d’entreprendre en 1833 un tour de France en tant que Compagnon du Devoir. Au long de ce grand parcours, le jeune homme découvre les idées révolutionnaires de son temps, mais aussi les nouvelles techniques et les vastes débouchés de la chapellerie. À cette époque où « sortir en cheveux » frôle l’indécence, le chapeau est un élément indispensable de la toilette pour les hommes comme pour les femmes et la demande ne cesse de croître.
De retour à Albi il succède à son père en 1850 et met en place une entreprise perfor- mante, dotée de machines pour couper, souffler, ébouillanter, façonner… Ainsi modernisé, il développe rapidement la production du chapeau drapé, à base de laine ou de fourrure, dont la fabrication nécessite une quinzaine d’étapes minutieuses. Dès 1863, afin d’utiliser l’énergie hydraulique pour entraîner ses machines, il loue le moulin de Lamothe sur le Tarn en aval d’Albi. Le voilà bientôt à la tête de neuf chapelleries où travaillent près de 1 600 ouvriers et ouvrières.
Ses produits, présentés lors de nombreuses expositions à travers l’Europe, remportent un vif succès et la Médaille d’Or qu’il gagne à l’Exposition Universelle de Paris en 1878 témoigne de la qualité de sa fabrication. Accumulant les récompenses, il sait que sa manufacture est l’une des meilleures de France.
Devenu un célèbre industriel, François-Joseph Maraval n’oublie pas pour autant les idéaux républicains qu’il défend depuis 1848. Il veille à la salubrité et aux conditions de travail dans ses chapelleries, finance des associations d’aide aux chômeurs et aux malades. Nommé maire d’Albi en 1870, il sait se faire accepter par tous dans le contexte houleux qui marque le début de la IIIe République.
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Jean Jaurès
1859 Castres – 1914 Paris.
Seul contre tous
Issu d’une famille de la bourgeoisie castraise, Jean Jaurès est un enfant doué puis un étudiant brillant. Agrégé de philosophie à 22 ans, il est nommé professeur au lycée d’Albi. Très vite, il met ses qualités au service de la politique et il est élu député républicain en 1885. Dès ce moment, il prend ardemment la défense des démunis, des petits viticulteurs, des mineurs et met la question ouvrière au centre de sa vie. À la fois journaliste, écrivain, historien et philosophe, il est sur tous les fronts : engagé en 1892 à côtés des mineurs de Carmaux, il soutient la verrerie ouvrière d’Albi en 1896, prend le parti de Dreyfus en 1898, fonde le Parti Socialiste en 1902, défend l’enseignement laïque, lutte contre le colonialisme et la peine de mort, prône l’entente entre les peuples. Infatigable orateur, il multiplie les discours pour protéger la paix dans une Europe qui se prépare à un conflit majeur. Il clame que le capitalisme porte en lui la guerre au détriment de la justice et de la liberté. Ces prises de position lui valent de nombreux ennemis parmi les conservateurs, et c’est pour ses idées généreuses qu’il meurt assassiné alors qu’il prépare un article proposant une mobilisation défensive et non pas offensive. Le 31 juillet 1914, il est tué d’une balle dans la tête au café du Croissant, rue Montmartre à Paris, par le nationaliste d’extrême droite Raoul Villain, qui sera incarcéré puis gracié en 1919 dans l’indifférence quasi générale.
Dès le 3 août 1914, l’ordre de mobilisation générale s’affiche dans toutes les communes de France. Le 4 août, lors des obsèques officielles de Jean Jaurès, toutes les autorités de la République sont présentes, y compris l’opposition nationaliste. Les dirigeants de la gauche socialiste et syndicale, ainsi qu’une foule immense de Parisiens suivent son cercueil. Le corps de Jean Jaurès est ensuite transporté à Albi où il est inhumé au cimetière des Planques. Le 23 novembre 1924, sa dépouille est transférée au Panthéon à Paris, où elle repose à côté des grands acteurs de l’histoire de la France. Partout sur le territoire français, des monuments et des rues lui sont dédiés ; des écoles, des collèges et des lycées portent le nom de celui qui voulait avant tout et pour tous la paix, la justice et la liberté.
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Henri de Toulouse-Lautrec
1864 Albi – 1901 Saint- André-du-Bois.
La star d’Albi
Pendant l’été 2022, la ville d’Albi a célébré le centenaire du Musée Toulouse-Lautrec qui fut installé au palais de la Berbie et inauguré le 30 juillet 1922. Après la mort du peintre, en 1901, ses parents avaient légué à la ville les peintures, dessins et affiches issues de l’atelier d’Henri, soit une collection unique de près de 600 pièces que le monde entier vient admirer aujourd’hui.
Henri de Toulouse-Lautrec disait lui-même qu’il ne serait pas devenu peintre si ses jambes avaient été plus longues, et sa vie démontre comment son handicap a permis l’envol de son extraordinaire talent. Né dans une famille de haute noblesse, Henri est un enfant aimé par sa mère et choyé par ses grands-parents lors des étés au château du Bosc, en Aveyron. Mais cet enfant fragile grandit peu. Les médecins diagnostiquent dès 1874 une pycnodysostose, maladie osseuse sans doute due à la consanguinité de ses parents. En 1878, Henri a 14 ans lorsqu’il se casse le fémur en se levant d’une chaise. L’année suivante, après une longue convalescence, il se fracture l’autre fémur lors d’une promenade en forêt. Malgré tous les traitements subis, ces fractures aggravent son retard de croissance. Il ne dépasse pas la taille de 1,52 m et aura pour la vie un tronc d’adulte sur des jambes d’enfant.
Dès son plus jeune âge, Henri de Toulouse-Lautrec couvre ses cahiers de croquis et de caricatures. Le dessin et la peinture sont aussi le passe-temps favori du jeune homme malade. Le peintre animalier René Princeteau, ami de son père, lui donne ses premiers cours de dessin et, dès 1881, après sa réussite au baccalauréat, Henri décide de devenir artiste. Malgré les craintes de sa mère, il part s’installer à Paris. Il court les salons et les expositions, il prend des cours chez Bonnat puis chez Cormon où il rencontre de jeunes peintres d’avant-garde. Que de découvertes loin de sa province natale ! Il commence à peindre les danseuses de Degas, s’enivre dans les cabarets de Montmartre où il réalise ses chefs d’œuvre. Fuyant les modèles professionnels, il s’intéresse de plus en plus aux corps nus, aux mouvements audacieux, aux gestes libres que son propre corps ne lui permet pas.
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Maurice Émile Pezous
1914 Albi – 1990 Albi.
Créateur d’une monoplace de légende
À la fin des années 50 à Albi, le garage situé au n°187 de la rue Gambetta est dirigé par Maurice Pezous, ingénieur des Arts et Métiers, concessionnaire Citroën et ami du pilote Juan-Manuel Fangio. Maurice, qui fut résistant pendant la 2de guerre mondiale, est un homme courageux au cerveau bouillonnant d’idées nouvelles.
En 1961, alors que le circuit automobile d’Albi est en construction, Maurice Pezous décide de créer pour les jeunes pilotes une voiture monoplace d’un prix et d’un entretien abordables. La construction du prototype est artisanale : le chef d’atelier réalise le châssis et le maître-carrossier façonne la carrosserie en aluminium. La voiture qui voit le jour en 1965 est nommée MEP X1 d’après les initiales du patron. Après quelques perfectionnements, c’est la MEP X2 équipée d’un moteur Panhard 24 CT qui sera pro- duite en série, avec l’aide des sociétés Citroën, Michelin et Total. Les vingt premières
« mini-monos » sont présentées à Paris, place de la Concorde avec grand succès.
Le 24 septembre 1967, Maurice Émile Pezous donne à Albi le départ de la première course de ces vingt monoplaces. L’une d’elles atteindra 208 km/h l’année suivante sur le circuit du Mans.
À partir de 1968, la FFSA (Fédération Française du Sport Automobile) met en place une initiation au pilotage pour les jeunes pilotes de moins de 30 ans, et crée le Critérium de la Formule Bleue, une compétition de 17 courses sur trois grands circuits : le Mans, Magny-Cours et Albi. Les MEP X2 s’élancent sur toutes les pistes, remplacées en 1973 par les MEP X27, dernières nées de Pezous dotées d’un nouveau châssis et d’un moteur plus puissant. Pour cette nouvelle série, l’équipe Pezous s’est appuyée sur les industriels de la région et les classes techniques du lycée Rascol qui ont fabriqué les pièces délicates. Cette belle réussite fait le bonheur des pilotes…
En 1974, le premier choc pétrolier entraine des limitations en tous genres. Les mono- places MEP connaissent encore quelques années de gloire mais leur auteur doit lever le pied. Souffrant de troubles cardiaques, il prend sa retraite en 1981 et décède en 1990.
Fondé en 1997, le Club MEP lui survit et réunit encore les passionnés de ces excellents petits bolides.
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